TOME 4 : L'enfer des supermarchés /
La vie est un combat
lettre du 12 novembre 2006
Le premier samedi que je passai à Moscou fut passablement bien rempli. Fabienne avait proposé une excursion à IKEA et AUCHAN, et mes voisins Alex et Anastasia avaient accepté de venir avec nous. Fabienne reprit à merveille (parfois de manière trop zélée, vous le découvrirez par la suite) son rôle de guide touristique. Les événements de cette journée furent trop nombreux, rapides et violents pour que l'on emploie le passé simple. Retrouvons donc notre bon vieux présent de l'indicatif.
Il est 14 h. Anastasia, Alex et moi même quittons l'Obchaga pour nous rendre au métro Dynamo, à dix minutes de chez nous, pour y rejoindre Fabienne sur les quais de la ligne 2, sans savoir à quel point cette petite sortie au Centre Commercial aurait nécessité un entraînement physique et moral de plusieurs semaines. Premières douleurs lors de l'entrée dans les couloirs du métro : les portiques moscovites ont une singularité qui est de se fermer brutalement quand un fraudeur essaye de passer au lieu de s'ouvrir quand un usager présente son ticket. Ces portiques, comme tous les portiques de métro (et comme d'ailleurs comme la majorité des objets de la vie courante) ont été fait pour des droitiers. Ce que je ne suis pas. En mettant innocemment mon ticket dans la borne se trouvant à ma gauche, j'ignore alors le courroux qui ne va pas tarder à s'abattre sur ma faible personne. En effet à la sortie du portique, deux portes métalliques apparaissent et se ferment brutalement sur moi. Pas devant moi, sur moi. Je reçois le coup dans la cuisse droite, une violente "béquille" dans mon quadriceps déjà affreusement endolori par les courbatures. Le temps de comprendre ce qui se passe, des gens sont déjà passés par le portique que j'avais ouvert avec mon billet. Me voilà contraint à sauter par dessus ledit portique, en espérant que celui-ci ne me fauchera pas un pied avant l'atterrissage, ou qu'une de ces contrôleuse sexagénaire ne m'abatte par surprise. Je m'en sors finalement bien, et descends les vertigineux escaliers mécaniques (le métro Moscovite est un des plus profonds du monde) afin de rejoindre le quai où nous attend Fabienne. Ici nous prenons le métro jusqu'à son terminus à Rietchnoï Vokzal, où nous aurons une "surprise". Je me méfie de ce genre de surprises que nous réservent les Moscovites...
En effet la surprise est de taille : nous devons prendre un bus gratuit, le seul à se rendre au centre commercial où se trouvent AUCHAN et IKEA. Le problème est que des milliers de gens se rendent chaque samedi vers ce centre commercial en profitant de ce transport à l'oeil, il faut donc se battre pour monter dans l'engin. Nous voyons passer un premier de ces bus, et effectivement les gens se battent littéralement pour accéder au bus, qui une fois plein peut à peine fermer ses portes tellement les gens y sont entassés. A l'arrivée du bus suivant, nous tentons de jouer des coudes afin d'être les premiers à pénétrer dans le bus. Peine perdue, tout le monde nous gruge. Après une réelle foire d'empoigne, nous parvenons in extremis à monter dans ledit bus, serrés les uns contre les autres comme des sardines sous vide, et c'est parti pour vingt bonnes minutes de trajet debout sur un pied, avec un coude planté dans le dos et une babouchka debout bien droite sur mes orteils asphyxiés.
Une fois arrivés nous étirons nos dos endoloris quand Fabienne nous avoue qu'il y avait d'autres moyens de se rendre sur place, mais que celui-ci étant le plus authentiquement russe, nous devions l'emprunter pour nous faire à la vie locale. Merci Fabienne, c'est adorable. J'attendrai d'être de retour sain et sauf à la maison pour t'arracher les yeux. Avant de nous rendre à IKEA nous avons quelques courses à faire à AUCHAN, qui se trouve en face de nous. En pénétrant la galerie marchande entourant AUCHAN, nous nous rendons peu à peu compte de la taille incroyable du magasin. Effectivement, si les hypermarchés peuvent être grands en France, à Moscou ils sont démesurés. Comme ils ont pris du retard durant l'Ère Soviétique, les Russes tentent de se rattraper en faisant tout en plus grand : bien plus de publicité, plus de magasins, plus de luxe, le tout sans réel sens de la mesure (les sens de la mesure et du bon goût sont des notions assez troubles ici-bas...), tout est donc "trop". Les rayons sont hauts comme des murs de cathédrale, et le magasin fait à peu de choses près la même superficie que la ville de Clermont-Ferrand, banlieue comprise. Pour ne pas se perdre, on se donne des rendez-vous réguliers dans le magasin, puisque chacun a des achats différents à faire. Nous nous rendons vite compte qu'il ne sera pas nécessaire de se rendre à IKEA, on peut trouver de tout ici, du mobilier aux mets les plus fins en passant par les pneus cloutés, les pièces de moteur, les tentes trois-places et les parfums de luxe. Après d'interminables pérégrinations, nous nous retrouvons aux caisses, avec chacun un chargement non négligeable de matelas pneumatiques, étagères en kit, bassines, vaisselle, "Nutella" et autres couettes deux-places.
Parmi les notions inexistantes en Russie, outre la mesure et le bon goût, on peut compter le principe de queue : aux caisses les gens s'entassent n'importe comment, dans n'importe quel sens, et dès qu'ils ont une occasion, ils se jettent vers les caisses, comme la misère sur le pauvre monde. Grâce à Fabienne qui a acquis suffisamment de vocabulaire pour engueuler les gens en russe et tenir tête aux pires mégères (je lui avait offert un dictionnaire franco-russe des gros mots et insultes avant son départ de France, je vois qu'elle n'a pas chômé) nous parvenons aux caisses après une attente incroyable, sans avoir oublié de retirer des gros billets dans les BANKOMAT du magasin, puisque les caisses n'acceptent pas les cartes de crédit.
En sortant du magasin, nous sommes épuisés, et nous nous dirigeons donc vers la partie de la galerie marchande où se trouvent les fast-food, afin de nous repaître de protéines indispensables après ces quelques moments physiquement intenses. Près du Mac Do et du KFC, nous trouvons un fast-food russe sur lequel nous nous précipitons : qu'il est doux de pouvoir se gaver de hamburgers sans sponsoriser une multinationale américaine. Les multinationales russes ne sont sûrement pas plus cautionnables mais des principes sont des principes ! Après des commandes en russe et de longues recherches, nous trouvons une table de libre, près de la patinoire noire de monde qui se trouve au centre de la galerie. En chemin, Fabienne répand malheureusement une partie de son repas sur le carrelage et devra se contenter d'un petit hamburger. Anastasia ne mange rien, mais Alex et moi nous réjouissons à l'idée d'ingurgiter les plus gros hamburgers vendus dans le magasin. Notre bonheur est de courte durée, car ces soi-disant hamburgers géants (qui valaient peu ou prou 1 € 50) ne sont pas aussi somptueux que sur les photos, et nous devons en reprendre une deuxième tournée pour nous sentir rassasiés. Les russes étaient les maîtres incontestés de la propagande, ils sont maintenant les rois de la publicité mensongère... Comment avons nous pu être si crédules? Malgré tout quel plaisir d'avoir enfin le ventre plein!
Nous décidons tout de même rapidement de sortir du magasin, et de tenter de rentrer à Moscou. Nous tentons le bus gratuit, mais malgré nos tentatives désespérées d'y pénétrer, nous échouons. Il faut dire que nous sommes correctement chargés... Affrontant le froid qui tombe à la tombée de la nuit (malgré le passage du mercure en dessous de zéro, les Russes se baladent toujours en dos nus et mini jupe, mais la mode ne mérite-t'elle pas quelques sacrifices?), nous prenons nos sacs et nos bagages à deux mains, et nous dirigeons sans trop savoir vers les parkings du Centre, où des minibus font navette jusqu'au centre ville. Rien n'est indiqué, mais un aimable gardien de parking nous indique le bus à prendre. En chemin vers l'arrêt de bus, nous rencontrons un quinquagénaire Irlandais fraîchement débarqué de Londres, qui ne parle ni ne lit le russe, et qui va dans la même direction que nous. Il est extrêmement impressionné par la situation, tout ce désordre, tous ces gens qui se battent pour monter dans les bus, et il parait content de nous trouver. Nous patientons près de vingt minutes avant que notre minibus arrive. Nous nous dirigeons vers celui ci quand un petit groupe de Russes nous double en jouant des coudes, et s'installe dans le minibus. Nous arrivons finalement à pénétrer l'engin (un genre de Ford Escort à dix-huit places), même si Anastasia n'a pas vraiment de place assise. Inconfortablement installés dans le minibus, mais fiers d'y être arrivés, nous discutons avec l'Irlandais, qui a été envoyé ici trois jours plus tôt par un musée londonien qui supervise l'ouverture d'un musée dans la ville de Moscou. L'homme a déjà vécu dans pas mal de pays différents, dont le Japon, et nous tentons de savoir si oui ou non ces minibus sont dignes des Taptap qui traversent l'Afrique depuis cinquante ans. Nous finissons par nous dire que cet après-midi nous aura donné des histoires à raconter, jusqu'à ce l'Irlandais (j'aurais du lui demander son prénom) fasse la remarque évidente que personne ne nous croira jamais. Il a peut être raison..."ET TU CHANTES, CHANTES, CHANTES, CE REFRAIN QUI TE PLAÎT, ET TU TAPES, TAPES TAPES, C'EST TA FAÇON D'AIMER CE RYTHME QUI T'ENTRAÎNE JUSQU'AU BOUT DE LA NUIT...", ils passent vraiment n'importe quoi à la radio russe, et l'autoradio hurle cette scie des années 80 qui nous redonne du courage ! Nous sommes fourbus, mais un vieux tube sorti du plus profond des âges peut parfois suffire à remettre d'aplomb. Nous finissons par nous rendre compte qu'il est déjà presque huit heures du soir ! Combien de temps avons nous passé ici ? Fabienne explique qu'il y a à Moscou une faille temporelle et qu'il arrive très fréquemment que des heures entières s'écoulent sans qu'on les voie passer.
Quand nous arrivons au métro, l'Irlandais nous quitte en nous bénissant plusieurs fois. De notre côté, nous nous maudissons d'avoir choisi un samedi pour venir ici, et d'avoir donc perdu une journée de repos. Nous montons dans le métro, trop fatigués pour continuer à discuter. A Dynamo nous laissons Fabienne (après bien sur l'avoir remerciée de nous avoir guidé pendant plusieurs heures) et rentrons chez nous. En arrivant, je déballe mon matelas pneumatique et mon gonfleur vendu avec ledit matelas. Les Russes ont un sens de l'humour bien précis, et ils font souvent des blagues comme ça : le gonfleur n'est pas du tout adapté à la valve du matelas ! Je parviens à le gonfler à moitié, puis finis le travail à la bouche. A la fin, j'ai la tête qui tourne, mais j'aurai un matelas si confortable ! Après avoir mangé une demie banane qui traînait, je m'allonge sur mon matelas, me préparant à passer la meilleure nuit depuis mon arrivée. Qu'il est doux d'avoir un vrai lit !
Épilogue : Après une nuit merveilleuse je me suis réveillé sur un matelas à plat. À l'heure actuelle, je n'ai toujours pas trouvé l'affreux trou qui gâche mon sommeil.
La vie est un combat
lettre du 12 novembre 2006
Le premier samedi que je passai à Moscou fut passablement bien rempli. Fabienne avait proposé une excursion à IKEA et AUCHAN, et mes voisins Alex et Anastasia avaient accepté de venir avec nous. Fabienne reprit à merveille (parfois de manière trop zélée, vous le découvrirez par la suite) son rôle de guide touristique. Les événements de cette journée furent trop nombreux, rapides et violents pour que l'on emploie le passé simple. Retrouvons donc notre bon vieux présent de l'indicatif.
Il est 14 h. Anastasia, Alex et moi même quittons l'Obchaga pour nous rendre au métro Dynamo, à dix minutes de chez nous, pour y rejoindre Fabienne sur les quais de la ligne 2, sans savoir à quel point cette petite sortie au Centre Commercial aurait nécessité un entraînement physique et moral de plusieurs semaines. Premières douleurs lors de l'entrée dans les couloirs du métro : les portiques moscovites ont une singularité qui est de se fermer brutalement quand un fraudeur essaye de passer au lieu de s'ouvrir quand un usager présente son ticket. Ces portiques, comme tous les portiques de métro (et comme d'ailleurs comme la majorité des objets de la vie courante) ont été fait pour des droitiers. Ce que je ne suis pas. En mettant innocemment mon ticket dans la borne se trouvant à ma gauche, j'ignore alors le courroux qui ne va pas tarder à s'abattre sur ma faible personne. En effet à la sortie du portique, deux portes métalliques apparaissent et se ferment brutalement sur moi. Pas devant moi, sur moi. Je reçois le coup dans la cuisse droite, une violente "béquille" dans mon quadriceps déjà affreusement endolori par les courbatures. Le temps de comprendre ce qui se passe, des gens sont déjà passés par le portique que j'avais ouvert avec mon billet. Me voilà contraint à sauter par dessus ledit portique, en espérant que celui-ci ne me fauchera pas un pied avant l'atterrissage, ou qu'une de ces contrôleuse sexagénaire ne m'abatte par surprise. Je m'en sors finalement bien, et descends les vertigineux escaliers mécaniques (le métro Moscovite est un des plus profonds du monde) afin de rejoindre le quai où nous attend Fabienne. Ici nous prenons le métro jusqu'à son terminus à Rietchnoï Vokzal, où nous aurons une "surprise". Je me méfie de ce genre de surprises que nous réservent les Moscovites...
En effet la surprise est de taille : nous devons prendre un bus gratuit, le seul à se rendre au centre commercial où se trouvent AUCHAN et IKEA. Le problème est que des milliers de gens se rendent chaque samedi vers ce centre commercial en profitant de ce transport à l'oeil, il faut donc se battre pour monter dans l'engin. Nous voyons passer un premier de ces bus, et effectivement les gens se battent littéralement pour accéder au bus, qui une fois plein peut à peine fermer ses portes tellement les gens y sont entassés. A l'arrivée du bus suivant, nous tentons de jouer des coudes afin d'être les premiers à pénétrer dans le bus. Peine perdue, tout le monde nous gruge. Après une réelle foire d'empoigne, nous parvenons in extremis à monter dans ledit bus, serrés les uns contre les autres comme des sardines sous vide, et c'est parti pour vingt bonnes minutes de trajet debout sur un pied, avec un coude planté dans le dos et une babouchka debout bien droite sur mes orteils asphyxiés.
Une fois arrivés nous étirons nos dos endoloris quand Fabienne nous avoue qu'il y avait d'autres moyens de se rendre sur place, mais que celui-ci étant le plus authentiquement russe, nous devions l'emprunter pour nous faire à la vie locale. Merci Fabienne, c'est adorable. J'attendrai d'être de retour sain et sauf à la maison pour t'arracher les yeux. Avant de nous rendre à IKEA nous avons quelques courses à faire à AUCHAN, qui se trouve en face de nous. En pénétrant la galerie marchande entourant AUCHAN, nous nous rendons peu à peu compte de la taille incroyable du magasin. Effectivement, si les hypermarchés peuvent être grands en France, à Moscou ils sont démesurés. Comme ils ont pris du retard durant l'Ère Soviétique, les Russes tentent de se rattraper en faisant tout en plus grand : bien plus de publicité, plus de magasins, plus de luxe, le tout sans réel sens de la mesure (les sens de la mesure et du bon goût sont des notions assez troubles ici-bas...), tout est donc "trop". Les rayons sont hauts comme des murs de cathédrale, et le magasin fait à peu de choses près la même superficie que la ville de Clermont-Ferrand, banlieue comprise. Pour ne pas se perdre, on se donne des rendez-vous réguliers dans le magasin, puisque chacun a des achats différents à faire. Nous nous rendons vite compte qu'il ne sera pas nécessaire de se rendre à IKEA, on peut trouver de tout ici, du mobilier aux mets les plus fins en passant par les pneus cloutés, les pièces de moteur, les tentes trois-places et les parfums de luxe. Après d'interminables pérégrinations, nous nous retrouvons aux caisses, avec chacun un chargement non négligeable de matelas pneumatiques, étagères en kit, bassines, vaisselle, "Nutella" et autres couettes deux-places.
Parmi les notions inexistantes en Russie, outre la mesure et le bon goût, on peut compter le principe de queue : aux caisses les gens s'entassent n'importe comment, dans n'importe quel sens, et dès qu'ils ont une occasion, ils se jettent vers les caisses, comme la misère sur le pauvre monde. Grâce à Fabienne qui a acquis suffisamment de vocabulaire pour engueuler les gens en russe et tenir tête aux pires mégères (je lui avait offert un dictionnaire franco-russe des gros mots et insultes avant son départ de France, je vois qu'elle n'a pas chômé) nous parvenons aux caisses après une attente incroyable, sans avoir oublié de retirer des gros billets dans les BANKOMAT du magasin, puisque les caisses n'acceptent pas les cartes de crédit.
En sortant du magasin, nous sommes épuisés, et nous nous dirigeons donc vers la partie de la galerie marchande où se trouvent les fast-food, afin de nous repaître de protéines indispensables après ces quelques moments physiquement intenses. Près du Mac Do et du KFC, nous trouvons un fast-food russe sur lequel nous nous précipitons : qu'il est doux de pouvoir se gaver de hamburgers sans sponsoriser une multinationale américaine. Les multinationales russes ne sont sûrement pas plus cautionnables mais des principes sont des principes ! Après des commandes en russe et de longues recherches, nous trouvons une table de libre, près de la patinoire noire de monde qui se trouve au centre de la galerie. En chemin, Fabienne répand malheureusement une partie de son repas sur le carrelage et devra se contenter d'un petit hamburger. Anastasia ne mange rien, mais Alex et moi nous réjouissons à l'idée d'ingurgiter les plus gros hamburgers vendus dans le magasin. Notre bonheur est de courte durée, car ces soi-disant hamburgers géants (qui valaient peu ou prou 1 € 50) ne sont pas aussi somptueux que sur les photos, et nous devons en reprendre une deuxième tournée pour nous sentir rassasiés. Les russes étaient les maîtres incontestés de la propagande, ils sont maintenant les rois de la publicité mensongère... Comment avons nous pu être si crédules? Malgré tout quel plaisir d'avoir enfin le ventre plein!
Nous décidons tout de même rapidement de sortir du magasin, et de tenter de rentrer à Moscou. Nous tentons le bus gratuit, mais malgré nos tentatives désespérées d'y pénétrer, nous échouons. Il faut dire que nous sommes correctement chargés... Affrontant le froid qui tombe à la tombée de la nuit (malgré le passage du mercure en dessous de zéro, les Russes se baladent toujours en dos nus et mini jupe, mais la mode ne mérite-t'elle pas quelques sacrifices?), nous prenons nos sacs et nos bagages à deux mains, et nous dirigeons sans trop savoir vers les parkings du Centre, où des minibus font navette jusqu'au centre ville. Rien n'est indiqué, mais un aimable gardien de parking nous indique le bus à prendre. En chemin vers l'arrêt de bus, nous rencontrons un quinquagénaire Irlandais fraîchement débarqué de Londres, qui ne parle ni ne lit le russe, et qui va dans la même direction que nous. Il est extrêmement impressionné par la situation, tout ce désordre, tous ces gens qui se battent pour monter dans les bus, et il parait content de nous trouver. Nous patientons près de vingt minutes avant que notre minibus arrive. Nous nous dirigeons vers celui ci quand un petit groupe de Russes nous double en jouant des coudes, et s'installe dans le minibus. Nous arrivons finalement à pénétrer l'engin (un genre de Ford Escort à dix-huit places), même si Anastasia n'a pas vraiment de place assise. Inconfortablement installés dans le minibus, mais fiers d'y être arrivés, nous discutons avec l'Irlandais, qui a été envoyé ici trois jours plus tôt par un musée londonien qui supervise l'ouverture d'un musée dans la ville de Moscou. L'homme a déjà vécu dans pas mal de pays différents, dont le Japon, et nous tentons de savoir si oui ou non ces minibus sont dignes des Taptap qui traversent l'Afrique depuis cinquante ans. Nous finissons par nous dire que cet après-midi nous aura donné des histoires à raconter, jusqu'à ce l'Irlandais (j'aurais du lui demander son prénom) fasse la remarque évidente que personne ne nous croira jamais. Il a peut être raison..."ET TU CHANTES, CHANTES, CHANTES, CE REFRAIN QUI TE PLAÎT, ET TU TAPES, TAPES TAPES, C'EST TA FAÇON D'AIMER CE RYTHME QUI T'ENTRAÎNE JUSQU'AU BOUT DE LA NUIT...", ils passent vraiment n'importe quoi à la radio russe, et l'autoradio hurle cette scie des années 80 qui nous redonne du courage ! Nous sommes fourbus, mais un vieux tube sorti du plus profond des âges peut parfois suffire à remettre d'aplomb. Nous finissons par nous rendre compte qu'il est déjà presque huit heures du soir ! Combien de temps avons nous passé ici ? Fabienne explique qu'il y a à Moscou une faille temporelle et qu'il arrive très fréquemment que des heures entières s'écoulent sans qu'on les voie passer.
Quand nous arrivons au métro, l'Irlandais nous quitte en nous bénissant plusieurs fois. De notre côté, nous nous maudissons d'avoir choisi un samedi pour venir ici, et d'avoir donc perdu une journée de repos. Nous montons dans le métro, trop fatigués pour continuer à discuter. A Dynamo nous laissons Fabienne (après bien sur l'avoir remerciée de nous avoir guidé pendant plusieurs heures) et rentrons chez nous. En arrivant, je déballe mon matelas pneumatique et mon gonfleur vendu avec ledit matelas. Les Russes ont un sens de l'humour bien précis, et ils font souvent des blagues comme ça : le gonfleur n'est pas du tout adapté à la valve du matelas ! Je parviens à le gonfler à moitié, puis finis le travail à la bouche. A la fin, j'ai la tête qui tourne, mais j'aurai un matelas si confortable ! Après avoir mangé une demie banane qui traînait, je m'allonge sur mon matelas, me préparant à passer la meilleure nuit depuis mon arrivée. Qu'il est doux d'avoir un vrai lit !
Épilogue : Après une nuit merveilleuse je me suis réveillé sur un matelas à plat. À l'heure actuelle, je n'ai toujours pas trouvé l'affreux trou qui gâche mon sommeil.
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